Le sujet du bac physique-chimie 2025 a fait couler beaucoup d’encre. Trop exigeant ? Partie trop mathématique ? Longueur excessive? Pour certains, il aurait « cassé » les élèves. Pour d’autres – dont je fais partie – il pose enfin un cadre sérieux, rigoureux et assumé pour une spécialité scientifique qui mérite d’être prise au sérieux. Mais au-delà de ces débats, une critique mérite d’être mise en lumière : la disparité de niveau entre les deux sujets proposés. Car le problème n’est pas tant que le sujet du jour 1 soit difficile… mais qu’il le soit nettement plus que celui du jour 2.
Un retour nécessaire à l’exigence
Depuis plusieurs années, une tendance s’est installée : celle des sujets consensuels, lissés, peu discriminants. La correction ? De plus en plus souple. Les exercices ? De plus en plus guidés. L’objectif ? Éviter de « pénaliser » les élèves. Mais à force de ne vouloir pénaliser personne, on finit par ne plus évaluer personne sérieusement.
Le sujet du jour 1 rompt avec cette logique : il exige une vraie capacité d’analyse, de raisonnement, de transfert. Il combine des compétences variées : chimie organique, spectroscopie, pH-métrie, cinétique, transformation nucléaire, modélisation physique… Autant d’éléments qui font écho au programme et aux exigences du supérieur. Ce sujet a le mérite d’être structurant, cohérent et formateur.
Le vrai problème : deux sujets, deux niveaux
Mais à mon sens, le point le plus problématique n’est pas la difficulté intrinsèque du sujet du jour 1. Il est dans l’écart flagrant avec le sujet du jour 2. Là où le premier mobilise des compétences multiples, souvent imbriquées, le second propose un enchaînement plus linéaire, plus scolaire, avec des supports parfois plus simples et des raisonnements moins exigeants. Autrement dit : les candidats n’ont pas été évalués sur la même base.
Quand deux élèves passent une épreuve nationale, ils doivent faire face à une exigence comparable. Sinon, on crée une inégalité injustifiable, surtout dans un contexte où l’épreuve joue un rôle décisif pour le bac. Il n’est pas acceptable que la note dépende autant du tirage au sort du jour d’examen.
Le bac n’est pas un droit automatique
Autre débat récurrent : faut-il rendre le bac accessible à tous ? Doit-on « penser aux élèves faibles » dans la conception des sujets ? La réponse est claire : le bac est un filtre, pas un passe-droit. Il est conçu pour vérifier l’acquisition d’un socle de connaissances et de compétences solides. Si l’on écrit des sujets en fonction des plus fragiles, alors autant supprimer le bac et en faire une simple attestation d’assiduité.
La sélection n’est pas une injustice. C’est un levier d’orientation raisonné. Elle doit être juste, oui. Mais elle suppose un niveau. Tous les élèves ne réussiront pas ce niveau – et c’est normal.
Et les maths ? Oui, il y en avait… et heureusement
Une autre critique souvent entendue : « Le sujet demandait trop de mathématiques. » Cette remarque reflète une illusion pédagogique dangereuse. Depuis toujours, la physique repose sur les mathématiques. Logarithmes, lecture graphique, incertitudes, variations de fonctions, modèles exponentiels : rien de cela n’est nouveau. Ce sont des outils fondamentaux pour toute démarche scientifique.
Si des élèves ont abandonné les mathématiques en première, c’est un choix parfaitement assumé. Mais ce choix a un prix : la spécialité physique-chimie devient plus difficile sans ce socle. Il n’est pas question ici de « punir » ces élèves, mais de refuser d’appauvrir les épreuves pour compenser des trajectoires incohérentes. Ce n’est pas au bac de s’adapter. C’est à l’élève d’anticiper.
Un sujet rigoureux, un signal fort
Le sujet du jour 1 a proposé une vraie vision scientifique. L’exercice sur le bleu de bromophénol et l’emballage intelligent était à la fois riche et moderne. Le passage sur la cinétique d’ordre 1 face à une dégradation colorée était parfaitement aligné avec le programme. L’étude radioactive et la datation géologique est un classique bien amené. Le dernier exercice sur la chute dans un fluide est ambitieux, certes, mais intelligent et bien guidé.
Ce sujet réconcilie le lycée avec l’esprit scientifique. Il redonne du sens à l’épreuve. Il nous oblige, enseignants comme élèves, à sortir de notre zone de confort.
Pas trop dur, mais inégal
Le vrai débat ne porte pas sur la difficulté du sujet. Il porte sur la cohérence entre les deux épreuves. On ne peut pas avoir une évaluation nationale à deux vitesses. Le sujet du jour 1 était juste, mais il faut s’assurer que tous les candidats affrontent la même exigence, la même densité, les mêmes attendus.
Alors oui, exigeons davantage. Oui, remettons un niveau de rigueur. Mais à la condition que cette rigueur soit équitablement répartie.
Le bac, ce n’est pas l’école des fans. Ce n’est pas une validation automatique. C’est une porte d’entrée. À nous de la maintenir ouverte… mais solide.